Le thème de ma modeste planche est « la solitude dans notre société hyper communicante » ou encore comment expliquer le paradoxe d'une société de l'hypercommunication, qui nous abreuve de messages d'informations mais où le mode de communication virtuel prend le pas sur les échanges intimes…..
Si des expériences mystiques et religieuses ne cessent d’en faire l’éloge dans la société qui est la nôtre aujourd’hui, la solitude apparaît aux yeux de tous comme l’un des plus grands maux : une honte, un désespoir…. C’est sans doute l’une des plus grandes angoisses de notre culture postmoderne.
Je ne suis pas une solitaire, j’ai toujours aimé et désiré être entouré de belles et profondes amitiés. Mais par les épreuves qui ont jalonnées ces deux dernières années de ma vie et les choix qui en ont découlé, j’ai subi la solitude. J’avais peur d’elle, une terrible peur, puis avec le temps, j’ai appris à me familiariser avec elle, et elle est devenue une alliée, un lieu de ressourcement. Oui je l’ai autant détesté que je l’apprécie aujourd’hui.
Je vais vous livrer ce soir certaines de mes réflexions qui sont le fruit de cette année passée, année d’exil et de Franc-Maçonnerie, année de découvertes, de sensations et d’émotions vraies….Je vais donc partager avec vous ce que ma solitude, un temps qui m’est imposé, m’a permis de comprendre...
Dans le monde profane :
Depuis l’aube des temps, les hommes éprouvent le besoin de vivre en groupe. Depuis des millénaires, ce regroupement avait un seul but, celui d’assurer la survie de l’espèce, l’instinct de reproduction, dans un environnement qui était hostile. Depuis, l’organisation sociale a été basée sur le groupe.
Nous vivons dans une société qui ne nous apprend pas à être ou vivre seul. Au contraire, durant toute notre éducation, qu’elle ait été dispensée par notre famille ou l’école, cette dernière visait à n’être jamais seul : On oblige l’enfant à jouer avec ses camarades, à faire partie d’une équipe ou d’une bande, à communiquer, à s’intégrer. Lorsqu’il grandit, ses parents et ses professeurs s’inquiètent s’il demeure seul ou s’il préfère la compagnie des livres, des animaux à celle des humains. On qualifie cette attitude d’insociabilité et l’on s’en inquiète…
Alors on nous pousse à être dépendants des autres. On appelle cela l’esprit de famille, la camaraderie, ou le sens de la communauté. Tout semble programmé pour distraire ou rompre les rares moments de solitude.
Mais lorsque que nous devenons plus grands ou adultes nous affrontons inévitablement des épreuves comme des deuils, des ruptures sentimentales, ou tout simplement une perte d’emploi ou une mise à la retraite, et là on a peur, on perd pied : on se retrouve face à cette solitude contrainte que j’évoquais au tout début, et l’on est désemparé…
Guy de Maupassant écrivait : «Notre grand tourment dans l’existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu’à fuir cette solitude ».
Mais qu’est-ce que la solitude ? Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire : " la solitude est la situation d'une personne qui est seule, de façon momentanée ou durable".
Mais je pense que ce n’est pas aussi simple, car il y a plusieurs types de solitude, selon déjà le vécu de l'individu par rapport à ce qui provoque son sentiment d’isolement.
Je commencerai par la situation peut-être la plus familière qui serait la solitude par rapport à l'environnementet se caractérise par l’éloignement des lieux habités. Il peut s’agir par exemple d’un isolement choisit ou imposé comme pour toute personne dont l’activité nécessite sa présence dans des lieux peu fréquenté… le berger en montagne est isolé, mais n’éprouvent pas forcément, ni constamment, une impression de solitude.
Ensuite il y a la solitude par rapport « aux autres »… par rapport à la société.
Je peux évoquer la situation de l’ermite, celui qui a choisi cette vie érémitique ou monacale. Il s’agit là d’un isolement volontaire, où le but est de se retrouver avec soi-même et de faciliter ainsi, une introspection ou toutes prises de recul pour lesquelles une retraite momentanée est profitable. Cette solitude là n’a rien de négatif, cela pourrait même s’apparenter à un goût irrésistible de liberté qui s’éprend de beaucoup d’entre nous. Aujourd’hui outre les retraites dans des monastères, on pourrait citer toutes ces courses autour du monde à pied en vélo en bateau, la vie à la campagne, ou encore les innombrables expériences de l’homme qui le poussent à conquérir des espaces en solitaire….. Nous serions donc aujourd’hui en quête de sérénité, d’une solitude apaisante au milieu d’une société tumultueuse, comme nous mêmes ici en ce moment, dans ce Temple, nous sommes seuls avec nous même à écouter et à prendre la parole avec parcimonie…
Toujours en rapport aux autres mais moins positif, est le choix de celui qui refuse de vivre au sein de la société telle qu’il la ressent(une fois bien sure écartées les phobies sociales et autres timidités excessives qui demandent d’être accompagné)." Les autres " ne correspondent pas à son idéal et il préfère s’en tenir éloigné pour ne pas être pollué. Dans ce cas, la réaction de la société est beaucoup moins positive, il passe pour un sauvage pourtant le véritable solitaire est celui qui est en paix avec lui-même, mais ce n’est pas celui qui n’aime pas les autres, c’est celui qui apprécie certains autres. Le véritable solitaire a le sens de l’amitié, il sait qu’il a beaucoup à apprendre des autres. Le véritable solitaire est un homme libre, libre de toute attache et de tout dogme.
Puis il y a la solitude à mon sens la plus douloureuse c’est celle qui est involontaire, ou l’on se sent ignoré, rejeté. C’est la solitude des marginaux et des exclus, de ceux qui ne trouvent pas leur place dans la société, dont le retrait les mène jusqu’à la rue, en situation de S.D.F. ou encore de clochard. Cela peut être, aussi et souvent, celle des adolescents qui n’ont plus le statut d’enfant, mais qui ne se reconnaissent pas dans les schémas qui leur sont proposés par nos structures sociales. Si les premiers ont souvent des réactions plus ou moins passives les derniers sont souvent plus violents vis à vis d’un système qui impose des clichés qui ne correspondent pas aux projets qu’ils se sont construits, associés aux difficultés d’intégration dans le milieu du travail, cela serait peut-être aussi une des raisons pour laquelle les jeunes restent beaucoup plus longtemps dans le cocon familial….
J’ajouterais également la solitude par la différence…
L’homme vante l'originalité, s'extasie devant les beautés singulières que la nature engendre mais rejette la singularité de l'être. A toutes les époques les différences ont été gommées. Naître différent, grandir différent c'est vivre en paria, visible ou caché. C'est parce que la différence marque si profondément, dans sa dureté et sa solitude, que le regard de l'autre peut prendre tant d'importance et devenir si intolérable. La différence comme une marque de fabrique, comme une tache indélébile, avec l'infinie solitude qu'elle engendre, parce que l'humain déteste voir ce qui sort du commun.
Les timides, les personnes ayant un physique particulier, les êtres qui ne veulent pas obéir aux codes de masses, ont plus de difficultés pour s’imposer et sont souvent laissé de coté.
Il y a aussi des moments de la vie, marqués par la douleur et la fragilité, dans lesquels on est plus vulnérable à la solitude, l’isolement, la précarité : autant de maux auxquels les personnes en situation de maladie ou de handicap sont exposées de plein fouet.
Le regard des autres et l’incompréhension ne sont hélas pas non plus étrangers à ce phénomène grandissant dans notre société…
Par exemple dans la maladie et dans le handicap.
La solitude du malade peut être physique, sociale, affective et aussi spirituelle. Le malade se sent trahi par son propre corps, mis à l’écart par les autres et parfois même selon ses propres convictions abandonné par Dieu. Le malade est une personne seule pour affronter l’angoisse de sa maladie, la douleur est sienne, même lorsqu’il y a quelqu’un qui lui propose la présence et le partage. Même s’il perçoit que les autres peuvent souffrir avec lui, mais pas pour lui, il « doit assumer dans la solitude la responsabilité de vivre le présent d’une manière digne et de décider de son avenir ». Parfois il s’isole physiquement ou psychologiquement, et il se laisse aller. La solitude est souvent aggravée par le manque de vérité, une « eu-thanasie » anticipée, une mort lente mais non douce sur le plan communicatif. Le résultat est l’isolement affectif et une solitude imposée, difficile à accepter.
Une solitude également pénible est la solitude vis à vis de soi-même. On se retrouve face à soi-même. C'est ce face à face, où plus personne n'existe, qui est terrible.
Des événements comme la rupture, le divorce, le décès d'un être aimé, l’éloignement obligé peuvent nous faire sombrer dans la solitude la plus totale. Nous subissons, la remise en cause totale et définitive des projets que nous avions élaborés pour la suite de notre vie.
On se sent tellement seul, au moment d’un choix, pour lequel rien ni personne ne viennent conforter LA bonne décision. On est absolument seul, au moment d’un choix important qu'il soit volontaire ou contraint, car on le sait bien un choix est toujours un sacrifice. La solitude devient une véritable prison de l’âme quand on ne peut partager ne fusse qu’une pensée, une émotion…
De plus en plus de personnes sont touchés par l'isolement, pourtant, ne sommes nous pas dans une époque d’hyper communication ????….
C’est un véritable paradoxe, le sentiment de solitude est en hausse avec de nouvelles formes. Aujourd’hui les grandes villes comme la campagne sont touchées, ce fléau frappe toute classe sociale et tranche d’âge confondus et s'aggrave avec la précarité de l'emploi et la faiblesse des revenus. En cause, des liens familiaux distendus et des relations professionnelles difficiles, combinés à une explosion de la technologie en termes de communication.
La solitude gagne du terrain et dessine de nouveaux contours sur des motifs d’isolement au cœur même d’une société hyper communicante.
Quelle photographie de notre société, société de consommation, où je consomme, consomme, consomme, tout et rien.
Les raisons sont complexes et outre l’augmentation des familles mono parentales, le chômage, la vieillesse, le handicap… nous voyons arriver de nouvelles formes de solitudes particulières, liées à notre époque. C’est comme si le rapport particulier à l’autre était devenu encombrant ! Comme si la contrainte que représente la rencontre était devenue supérieure au plaisir qu’elle procure, avec à la clé une culture de l’illusion du lien, le plus souvent à distance entretenu par les réseaux sociaux.
Alors dans ce contexte où en est ma solitude par rapport « aux autres »… explicité au début de mon travail…. Elle se transformerait en une foule de solitaires… ???
Transports en communs bondés, café du matin plein à craquer, circulation difficile… Nous sommes mêlés à la foule, et pourtant chacun est renvoyé à sa solitude. Nous préférons nous enfermer dans un journal, entre deux oreillettes du baladeur numérique, ou rester rivé à notre mobile à papoter (le plus souvent pour ne rien dire) via SMS… en lien c’est sûr, mais avec des gens qui sont loin, et nous restons en revanche coupés de ceux qui sont proches !!!! Aucune convivialité…. Où est l’espace ouvert pour un échange convivial sans pour autant parler forcément de grandes implications ?
Mais j’en reviens aux réseaux sociaux, paradoxe encore de cette époque hyper communicante où sms, mail, chat, Facebook, et autre Twitter ont modifié en profondeur nos capacités à créer du lien. Bien calé dans nos fauteuils, nous privilégions des relations virtuelles avec le plus grand nombre, aux échanges intimes. « Une illusion de non-solitude ». Tout comme cet engouement que rencontre les sites comme « Copains d’avant » où certains passent des heures à rechercher tel ami d’enfance et qui ne proposent pas même un apéro avec un collègue, bien présent lui pourtant. Nous sommes devenus plus habiles à lier des relations à distance qu’à en nouer de bien réelles !
La société numérique repose sur ce triomphe technologique, avec, côté logiciel, ses algorithmes et ses protocoles de programmation; et, côté hardware, toute la physique et la chimie appliquées que cela requiert pour fonctionner, circuler, exister, communiquer, bref : exister ….. Et là, les réseaux sociaux se sont développés dans ce monde où « le temps c’est de l’argent », ce monde où nous avons une telle pression afin d’achever tellement de choses, que notre vie sociale s’amenuise et devient de plus en plus exigeante. Alors voilà la technologie, plus simple, pleine d’espoir, impérissable…… nous devenons accro à cette ballade virtuelle, déguisé par les réseaux sociaux qui nous fournissent d’impressionnantes plate-formes nous permettantde gérer notre vie social plus efficacement. Cependant la fantaisie de cette substitution nous prend au piège : nous collectionnons les amis comme des timbres, en mélangeant trop facilement quantité et qualité, en oubliant le sens premier de l’intimité et de l’amitié, nous échangeons des photos et des conversations virtuelles. En faisant cela, nous sacrifions les conversations au profit de fausses connections, et cela devient très paradoxal, nous pensons avoir des amis alors que nous sommes seuls.
Alors en quoi est-ce un problème d’avoir une conversation ? Ça prend du temps ? On ne peut pas contrôler ce que l’on dit ?… Il est vrai que les SMS, les mails, toutes ces choses nous présentent exactement comme nous le souhaitons, nous pouvons effacer ; Nous sommes obsédés par notre propre publicité, passant des heures en ligne à construire notre profil, à optimiser un message avec les bons mots à la bonne place, à choisir les photos où l’on apparaît au mieux, tout ceci dans le but de construire une image attractive de notre personnalité….. Au lieu de créer de vraies amitiés. Nous attendons toujours plus de la technologie et moins des autres, les réseaux sociaux ne modifient pas seulement ce que nous faisons, mais aussi qui nous sommes. Et c’est parce que cette technologie fait appel à ce besoin de plaire aux autres, qui nous rend vulnérable et nous sommes vulnérables… nous sommes seuls mais nous avons peur de l’intimité, alors que les réseaux sociaux nous offrent la possibilité d’attirer l’attention sur les choses que nous choisissons, et sur le fait que nous ne serons jamais seuls…, cela constitue une nouvelle façon d’être qui serait : « je partage donc je suis » nous utilisons la technologie pour nous définir en partageant nos pensées et nos sentiments au moment où nous les ressentons. Tout d’abord, nous simulons des expériences pour avoir quelque chose à partager, pour se sentir vivant, nous nous obstinons à penser qu’être connecté en permanence nous fera nous sentir moins seuls…
Il est vrai que notre société reste centrée autour de valeurs à la hausse… et oui nous montrer vulnérable n’est pas toujours acceptable. À ce titre l’univers professionnel se montre impitoyable ! Outre le fait que « le collègue devient facilement un rival », la généralisation des open spaces n'a pas amélioré la donne. Comble de l'ironie, c'est dans ces espaces ouverts censés inviter à l'échange qu'il ne faut surtout pas parler pour ne pas gêner et de fait nous communiquons par l'Intranet et par messages allant à l'essentiel. Le temps des discussions, des débats est révolu…. Nous n’avons quasiment pas de relations sociales avec nos collègues mis à part un « bonjour » rapide et des reporting de réunions, alors même devant la machine à café, il est difficile d’évoquer un problème familial, un manque de sommeil, le licenciement d’un compagnon, quand ce n’est pas une rupture…. Alors nous affichons un sourire frileux masquant une humeur bien sombre. De fait il est évidant que demander un service comme du soutien n’est pas si simple…
N’y aurait-il donc pas La mauvaise et La bonne solitude?
Le proverbe « Mieux vaut être seul que mal accompagné » est bien loin d’être suivi et le monde moderne, empli de technologies et vide de chaleur humaine, nous pousse plutôt à rechercher un nid de tendresse ou l’appui d’un groupe. « Tout plutôt que d’être seul » serait donc la devise actuelle ???
La mauvaise solitude est source d’ennui, d’insatisfaction voire d’anxiété, et s’accompagne d’un sentiment d’isolement. On la reconnaît à un besoin parfois compulsif de créer du lien souvent de façon superficielle pour combler ce vide.
Se sentir seule est un véritable fléau disais-je tout à l’heure…. Mais pas forcément, il existe la bonne solitude… « Une bonne solitude est celle où l’on ne s’ennuie pas ». Enfin seul, et tranquille, on est libre alors de se livrer à des occupations qui nous tiennent à cœur, comme de ne rien faire. En bonne compagnie avec soi-même, la solitude n’est plus pesante, et le besoin d’y échapper par de multiples distractions ne domine pas. « Les personnes qui apprécient la solitude sont capables de rentrer en elle-même sans réduire le lien à l’autre. Elles savent en sortir pour accepter un resto, un ciné, ou répondre au SOS d’un ami….
Je pense que oui la vie est relation, vivre c’est être relié, c’est un fait absolument incontournable : nul ne peut vivre hors de toute relation, mais à la seule condition d’être d’abord relié à soi-même, de vivre en relation avec soi même.
C’est en créant une véritable rencontre avec soi dans la solitude que l’on développe sa capacité à nouer des relations authentiques…..
Mais à notre décharge sans doute, notre époque ne nous facilite pas la tâche. L’accès permanent à la distraction nous coupe de cette bonne solitude. Qui n’a jamais mis la radio, ou la télé toute la journée pour se donner l’illusion de ne pas être seul.
Nous devrions apprendre à nos enfants à s’ennuyer au lieu de les sur-solliciter en permanence, les empêchant ainsi de se confronter à une forme de solitude, fort utile pour une rencontre avec eux-mêmes. Pour lever ou tout du moins faciliter l’appréhension des obstacles en tant qu’adulte…… il faudrait mener une réflexion personnelle : pourquoi suis-je en train de communiquer par Facebook, après avoir refusé la crémaillère de mon voisin ? Quels efforts je fais pour être avec les autres ????
Alors ….. me direz-vous ?
Cet inventaire est loin d’être exhaustif, mais il nous montre que, s’il n’y pas une, mais des solitudes, il n’y a pas, non plus, de solution unique, susceptible de les traiter toutes.
D’ailleurs, existe-t-il une solution ? Nous pouvons en douter…. Même si « La solitude, ça n'existe pas », comme le dit la chanson de Gilbert Bécaud, c’est pourtant « un sentiment » auquel nous nous efforçons tous d’échapper en meublant nos craintes des vides physiques, mentaux ou émotionnels.
Dans le sacré :
Tous ici que nous sommes, nous avons vécu l’initiation maçonnique, parcours tout d’abord solitaire, lors du recueillement dans le Cabinet de Réflexion. Cette solitude est une invitation à la découverte de soi-même, à la découverte de cet être qui n’est pas seulement un produit de la société, de la famille, de l’histoire mais un être singulier et particulier : moi, nous.
Le précepte inscrit au fronton du Temple de Delphes consacré à Apollon, « Connais toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les Dieux », prend, dans ce thème de la solitude, toute son ampleur, précepte dont on oublie toujours la suite : « Tu sauras, tu expérimenteras que tout est en toi, que tu es immense, que tu héberges l’univers, que le divin est ta véritable nature. Au non de quoi tu te découvriras véritablement Libre et non pas supérieur ou inférieur aux autres ».
L'injonction reprise par Socrate était justifiée (en son temps) car pour tout événement heureux ou malheureux, un dieu en était responsable ; la mythologie régnait. Les hommes oubliaient de se mettre en cause.
Cette incitation à s'interroger sur soi-même ne s'impose pas moins aux temps modernes. Les fanatismes religieux persistent, et de plus nos esprits sont tellement accaparés par la Science, par la Technologie que nous en négligeons la réflexion sur la condition humaine.
Bien entendu, si les hommes se connaissaient, il ne serait pas nécessaire de leur recommander de se connaître et s'il était facile de se connaître, le message d'Apollon ne serait pas devenu celui de Socrate. Il ne suffit pas de se regarder pour se voir. L'inscription du temple de Delphes doit sa signification philosophique à la notion qui distingue en elle « être » et « paraître » ou plutôt « être » et « se paraître ». Se connaître n'a jamais voulu dire: se voir tel que l'on se paraît être. C’est une invitation à chercher ce qui cache l'homme à lui-même pour l'amener à se connaître tel qu'il est. J’y ajouterai également notre nécessité “d’être reconnu pour tel”. C’est plus qu’une nécessité, c’est un besoin vital. De nos jours si un individu n’est pas reconnu par sa société, ses proches, sa famille, son entourage social et professionnel, il est comme un paria mis à l’ écart et de ce fait rejeté totalement de la société. Ainsi si je veux vivre « heureux », accepté et “reconnu pour tel”, je dois impérativement dépendre des autres et surtout dépendre du regard qu’ils auront sur moi.
J’en reviens au précepte dont Socrate ne retint que « connais-toi toi-même », il nous enseigne à bâtir notre solitude comme à tailler notre Pierre. La Solitude est une épreuve sur la voie initiatique que nous avons empruntée. La Solitude est donc un départ, un voyage qui ne finit pas, une épreuve que l’on aborde différemment, qui nous permet d’acquérir des qualités et des vertus telles que le courage, la patience, la force, l’endurance, la persévérance, la bienveillance et l’humilité.
Chaque instant de solitude qui s’offre à nous doit être vécu comme un nouvel apprentissage de la vie, dans ses limites comme dans ses moments de grande plénitude. Même si notre besoin de l’autre est très grand, il ne peut remplir notre vide et nous apporter la sécurité que nous recherchons.
Sartre écrivait en 1964 « L'enfer c'est les autres » mais a-t-on bien compris ? Est-ce nos rapports avec les autres qui sont toujours empoisonnés, tordus ou viciés ? Ou alors tout autre chose comme l‘impact de leurs regards sur nous, leur jugement hâtif sur nous même…. C'est à travers eux et nos réactions que nous apprenons à découvrir vraiment notre personnalité, pour ensuite cibler nos lacunes et réaliser un travail sur nous-mêmes.
L'enfer, ce n'est pas les autres, c'est le fait de se sentir SEUL, exclu, jugé ou ridiculisé par ceux-ci.
Victor Hugo, lui, a écrit que l’enfer est tout entier dans le mot SOLITUDE…. mais il a également écrit cette autre citation : « La SOLITUDE, est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. Elle trouble les cerveaux qu’elles n’illuminent pas !» Il y aurait donc une solitude utile, comme il existe un silence propice au progrès. Me voici donc plus éclairée sur les efforts imposés à l’apprenti.
L’apprenti, par le silence imposé ne communiquera qu’avec lui… La prise de parole le détournerait de sa première mission : se connaître avant tout... Le silence intérieur c'est s'écouter vivre, se connaître, s'analyser; c'est le « connais-toi toi-même », on y revient donc… mais ce silence n'est pas solitude, il n’est pas vécu, en solitaire. C'est un silence partagé avec tous ses frères et sœurs. Nous éprouvons des ressentis, des idées, apprenons à gérer nos émotions et nôtre système de valeurs. Nous profitons de ce silence imposé, pour apprendre à dominer les mots par la pensée, c’est un moment intense de la recherche de notre soi et de notre propre rapport à l’existence. Cette période d’apprentissage consistant à écouter les autres est de fait un réel travail offert à l'Apprenti.
La solitude est pesante d’accord, mais si l’on n’est pas résigné et que l’on fait appel à notre courage elle peut se faire pensante….. Et en est moins pénible, voir appréciée et appréciable.
A mon sens le Franc-maçon doit être en relation avec les autres, il ne peut pas se contenter d’un travail purement théorique, et doit porter au dehors l’œuvre commencée ici même.Il doitpartager les fruits de son travail. Si le Franc-maçon progresse d’abord individuellement, il n’est pas un ermite. Il n’évolue pas dans la solitude, mais au milieu des autres, avec les autres, par la communication, la tolérance, l’écoute…. En recherchant ce qui unit plutôt que ce qui sépare.
En conclusion
Je dirais que la solitude a deux côtés : Contrainte, elle étrangle, abat et décourage, Volontaire, elle fait grandir et purifie …..La solitude n’est pas une fatalité. Très souvent, les individus se comportent vis-à-vis d’elle de manière passive. Ils se plaignent que l'on n'aille pas vers eux mais ils ne vont pas vers les autres, attitude qui pourrait peut-être inverser la tendance… Des moyens existent aujourd’hui, de nombreuses initiatives émergent, entre les fêtes des voisins, les cafés thématiques, les jardins partagés ou les associations de colocation, comme autant d’opportunités à vivre « tous ensemble » mais plus que de la solitude ce sont des moyens de sortir de l’isolement…. Parce que, malgré ceux qui nous aiment et nous entourent, on est seul dans la vie, seul devant la souffrance, seul devant la maladie, seul devant la mort, simplement parce que nous sommes seuls à savoir vraiment ce que nous ressentons et ce que nous sommes vraiment.
La solitude n’est pas qu’une situation mais c’est surtout un sentiment, une émotion. C’est un sentiment qu’on n’éprouve pas seulement quand on est seul, il peut nous gagner alors qu’on est en plein milieu d’une foule.La solitude, comme l’amour, la peur et autres sentiments difficiles à faire partager, sont au fond de nous et conditionnent notre comportement social. Sa prévention n’est donc pas purement dans notre organisation, dans notre société, mais dans notre attitude.
Tant que l’on refusera d’accepter une certaine solitude, en la dissimulant par des divertissements, ou autre subterfuges sous prétexte d’inadaptation sociale, nous en aurons toujours peur…. Peur de ce qu’elle représente, peur de la perte, peur de mourir car la solitude, nous renvoie à la plus grande peur de l’homme : la Mort.
C’est toute l’approche de la solitude et la manière de la vivre quand elle se présente, imposée ou choisie, qu’il convient d’appréhender, d’accueillir, pour découvrir son autre soi et mieux aller à la rencontre de l’autre.
Cette année de Franc-Maçonnerie à eu une résonance toute particulière pour moi, car elle s’est conjuguée avec une fuite personnelle loin des miens, vers une terre inconnue, un nouveau job et une solitude subie comme une évidence…Je me suis souvent sentie seule, terriblement seule …. Mais aujourd’hui je perçois l’importance de me ressourcer avec moi-même afin de remettre de l’ordre dans les événements passés et préparer les étapes suivantes…. et si, encore aujourd’hui, il m’arrive de me sentir seule, c’est que je ne m’ennuie que d’un manque de stimuli et de sollicitations extérieures.
Alors j’ai envie de dire que Lasolitude, c’est de s’ennuyer en sa propre compagnie… Et sinous ne sommes pas capable d’être seuls, nous ne connaîtrons que … la solitude.
J’ai dit…